La diversité des alliances impliquant des associations sur les territoires

Cet article a été publié pour la première fois au sein du numéro 628 de Juris Associations en novembre 2020 dans le cadre d'un dossier sur la coopération co-piloté par le Rameau et le RNMA.

La dynamique de construction d’alliances au service du bien commun, en œuvre sur les territoires, fait émerger des activités et services capables de répondre à des fragilités qu’aucun acteur seul, privé ou public, n’était jusqu’alors en capacité de réaliser. On parle désormais d’ « impact collectif » et nous en sommes au début des réflexions permettant de le qualifier et de l’évaluer. Au sein de ce champ à explorer, nous observons déjà des pratiques que nous rassemblerons ici en fonction des profils des différents acteurs rassemblés pour co-construire.

Face à des contractions budgétaires et des contraintes gestionnaires croissantes sur le début des années 2000 toute une dynamique a été impulsée par le secteur associatif autour d’enjeux de mutualisation de moyens, de rapprochements entre associations locales. Si ces pratiques ont plutôt eu pour moteur, dans un premier temps, la pression gestionnaire que la volonté de se projeter ensemble, elles ont amorcé une mise en mouvement pour décloisonner les associations. La dernière décennie, quant à elle, a été marquée par une forte visibilité des coopérations inter-associatives qui, comme l’étymologie du mot le souligne, nous a déplacé cette fois vers une préoccupation de « réaliser une œuvre commune ». En identifiant qu’elles souhaitaient agir sur les mêmes fragilités de leur territoire, le trait d’union pouvant être tantôt une zone d’intervention commune, tantôt une thématique partagée, les associations se sont mises à croiser leurs savoir-faire pour développer ensemble de nouvelles réponses. Aussi voit-on se multiplier des approches de plus en plus structurantes sur les territoires ; en animant des démarches de travail inter-associatives sur des enjeux de société, les professionnels de l’accompagnement font émerger de possibles futurs projets de territoire. A Villeurbanne par exemple, en organisant des évènements rassemblant diverses associations dédiées aux « Communs » en 2016 et 2017, la structure associative « la Myne » facilitaient l’émergence d’une assemblée des communs en 2018 à l’échelle lyonnaise, intéressant la métropole à la démarche dans une perspective de développement durable. A Amiens, la MDA projette à partir de 2020 de rassembler les associations sur les enjeux d’alimentation-santé-environnement pour réfléchir à des perspectives de ceinture alimentaire sur le territoire. Ces prémices laissent présager l’émergence de projets de développement territorial plus reliés aux aspirations de la société civile et plus attentifs aux ressources disponibles, qui pourraient répondre aux enjeux actuels d’exigence démocratique et de résilience.

Les pratiques de co-construction entre associations et collectivités relèvent du domaine de la démocratie participative. Nous avons observé cette dernière décennie une multiplication des dispositifs de participation des habitants et l’avènement des listes se disant participatives lors des dernières municipales conforte cette affirmation de la volonté d’associer la société civile au débat public. Des méthodes s’inventent pour que le lien direct à l’habitant-citoyen nourrisse les pouvoirs publics locaux, mais aussi pour coopérer avec les associations.  En effet, elles constituent des espaces déjà organisés à l’intérieur desquels des citoyens ont développé une réflexion sur la vie de la cité et mis en œuvre les moyens pour agir dessus ; un tissu associatif regorge d’une diversité de stratégies, d’expertises et de modes d’action utiles pour construire l’action publique en commun. Les associations et les collectivités locales collaborent donc désormais de plus en plus à du co-diagnostic, de la co-réalisation et de la co-évaluation de politiques publiques. De nombreuses pratiques impliquant les maisons des associations comme facilitatrices de ces démarches ont été illustrées dans de précédents numéros de Juris Associations.

Autre acteur incontournable du développement des territoires, l’entreprise se questionne de plus en plus sur sa responsabilité sociétale (RSE). Conscient-e-s qu’ils-elles peuvent contribuer à la qualité de la vie du territoire, les décideurs-euses économiques ont besoin pour agir localement de se relier aux acteurs de l’intérêt général existants, associations ou collectivités, mais les connexions ne sont pas souvent en place. Quand elles se créent, elles peuvent aboutir à des programmes très divers mais toujours porteurs de nouveauté. Quand l’entreprise de textile Vert Baudet, implantée à Tourcoing, a souhaité prolongé son programme de mécénat international tournée vers l’éducation des enfants par l’implication de ses collaborateurs dans des associations tourquennoises sur cette thématique, elle a pu s’appuyer sur la MDA pour identifier les projets qui en relève. Les associations ont ainsi recruté de nouveaux bénévoles avec des compétences diversifiées. A Vénissieux, c’est une toute autre démarche ; après deux années de tâtonnement au cours desquelles le CABV a ouvert un dialogue entre associations locales et entreprises et initié un fonds de dotation (lire l'article dédié ici), ils ont pu aboutir à un projet d’espace de coworking qui rapprochera des décideurs de grandes entreprises qui cherchent à agir pour l’emploi des personnes qui en sont éloignées, avec des associations aidant des personnes pour qui l’accès à l’emploi est difficile pour diverses raisons ( culturelles, sociales…). Ces alliances sont prometteuses pour inventer des solutions adaptées aux fragilités identifiées localement. En revanche elles restent dépendantes d’espaces qui permettent aux deux mondes de se connaître ; il y a là un réel enjeu que de faciliter ce rapprochement sur les territoires pour générer des innovations sociales. 

Nous observons ces dernières années que le renouvellement des projets stratégiques pluri-annuels de plusieurs MDA ancrent la coopération parmi les axes prioritaires : « coopérer pour faire société » à Tourcoing , « favoriser la coopération entre acteurs » à l’AGLCA de Bourg-en-Bresse… Chaque typologie de co-construction demande qu’on y dédie des moyens spécifiques en temps humain puisqu’une certaine maturation est nécessaire préalablement à l’émergence de solutions ; elle demande le temps de créer l’interconnaissance entre les acteurs, de faire naître une aspiration commune, d’entretenir un climat de respect et de confiance. Il s’agit ni plus ni moins que de nouveaux processus de recherche et développement au service de l’intérêt général, dont la principale ingénierie est relationnelle. Nous avons aujourd’hui besoin de mieux faire reconnaître et financer cette ingénierie pour œuvrer à un changement d’échelle des stratégies d’impact collectif sur les territoires.

Lisez aussi cet article sur l'ingéniérie de l'alliance

Catégories
Co-construction et développement local

Typologies
Analyses & Théorie

Maisons
Maison des associations de Tourcoing, CABV - Maison des associations de Vénissieux

Date de publication
15/11/2020

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