Le Mouvement associatif appelle à abroger le contrat d’engagement républicain
Retour sur la conférence de presse du 26 janvier et diffusion du dossier de presse
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Jérôme Hourdeaux - Article extrait du site de Mediapart
26 janvier 2023
La structure qui fédère de nombreuses associations dénonce l’instrumentalisation du contrat d’engagement républicain (CER), créé par la « loi Séparatisme », par certains préfets et élus locaux. Évoquant une atteinte à la liberté d’association, elle demande son abrogation et l’ouverture de discussions avec les pouvoirs publics.
Le Mouvement associatif a dénoncé jeudi les pressions que des associations subissent du fait de l’instrumentalisation du contrat d’engagement républicain (CER), outil créé par la « loi Séparatisme » de 2021 et mis en œuvre depuis un an. Cette structure, qui représente environ 700 000 associations, soit près d’une sur deux en France, en demande l’abrogation.
« On n’est pas contre lutter contre le séparatisme, mais on veut montrer que ce texte a plein d’effets de bord, d’effets néfastes pour les associations », a déclaré Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, lors d’une conférence de presse réunissant les associations ayant eu à faire les frais de l’application du CER. « La loi de 1901 sur la liberté d’association est une grande loi de liberté qui avait instauré une confiance a priori, a-t-elle rappelé. Avec le contrat d’engagement républicain, c’est inversé. C’est la défiance qui devient a priori. »
« Dès la présentation du projet de loi alors appelé “de lutte contre les séparatismes”, à la fin de l’année 2020, le Mouvement associatif a dénoncé l’approche choisie », rappelle l’association dans un communiqué intitulé « Associations, présumées coupables ? ».
Le CER doit obligatoirement être signé par toutes les associations et stipule, notamment, qu’elles sont tenues de « respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine » et de « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ». Elles ne doivent, par ailleurs, « entreprendre ni inciter aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ».
En cas de violation du CER, le préfet peut exiger le remboursement des subventions à l’association concernée à la collectivité qui les lui avait versées. Or, en à peine un an d’application, plusieurs cas de pressions exercées sur des associations, au nom d’une supposée violation du CER, ont été répertoriés par Le Mouvement associatif, qui réunit par exemple la Ligue des droits de l’homme, France Nature Environnement, le Planning familial, le Comité national olympique français ou encore la Fédération du scoutisme français.
Ainsi, dès le mois de février 2022, le maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, avait interdit un rassemblement du Planning familial 71, l’accusant d’avoir violé ses engagements en matière de laïcité inscrits dans son CER. L’édile reprochait à l’association une affiche sur laquelle figurait le dessin d’une femme voilée. Cette décision avait été annulée par le tribunal administratif, puis par le Conseil d’État dans une décision rendue le 4 mars.
La région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par Laurent Wauquiez, a quant à elle pris l’initiative de réécrire le CER, notamment pour l’appliquer à tous ses partenaires, et non seulement aux associations, ou en supprimant « l’identité de genre » de la liste des discriminations interdites.
« Une remise en cause de l’indépendance associative » dénoncée par Le Mouvement associatif, qui craint qu’elle ne fasse tache d’huile et ne serve à « mettre au pas les associations ». Ainsi, poursuit l’association, « le maire de Saint-Raphaël, dans le Var, a fait une tentative en ce sens, en essayant de conditionner le versement des subventions aux associations de sa commune à leur participation aux cérémonies commémoratives, avant d’être repris par le préfet ».
Comme l’avait révélé Mediapart, au mois de mai dernier un représentant de la préfecture de Corrèze avait annoncé, lors d’une réunion avec le monde associatif de la région, avoir supprimé les subventions de cinq associations qui « relevaient de mouvances radicales et ne remplissaient pas les conditions du contrat d’engagement républicain ».
Le Mouvement associatif précise que, dans cette affaire, « il semble que les engagements militants de certains bénévoles ou salarié·es, hors de l’association concernée, soient en cause ». « Cela vient interroger le sujet de la liberté des engagements, une association ne pouvant être tenue pour responsable des engagements autres de ses membres ou salariés », poursuit l’association.
Elle rapporte par ailleurs que, dans les Hauts-de-France, le préfet exige désormais des associations, lors de leur demande de subvention, de donner « des informations personnelles sur l’identité des membres du bureau », faisant craindre « un fichage des dirigeants associatifs ».
« En agissant pour défendre la liberté associative, nous défendons les valeurs de la République. »
Léonore Moncond’huy
Au mois de septembre, c’est le préfet de la Vienne qui a demandé à la ville de Poitiers et à la communauté d’agglomérations d’exiger le remboursement d’une partie des subventions versées à l’association écologiste Alternatiba, qui avait organisé des « ateliers de désobéissance civile » dans le cadre d’un festival.
La maire de la ville, l’écologiste Léonore Moncond’huy, avait apporté son soutien à l’association et refusé d’exécuter l’ordre du préfet. Celui-ci a depuis saisi le tribunal administratif. « Remettre en question l’utilisation faite par Alternatiba des fonds, c’est remettre en cause la liberté d’association en elle-même », a déclaré l’édile durant la conférence de presse, où elle intervenait en visioconférence. « En agissant pour défendre la liberté associative, nous défendons les valeurs de la République », a-t-elle ajouté.
« Ce type de recours [...] génère une forte insécurité juridique pour les maires, a encore pointé Léonore Moncond’huy. Je crains qu’ils aient un effet dissuasif pour de nombreuses collectivités qui, pour ne pas être enquiquinées par la préfecture, renoncent à financer certaines associations. Et je crains que le mal soit déjà en partie fait. »
« Les luttes de Gandhi, Nelson Mandela ou Rosa Parks à l’international ou les actions d’Act Up, le manifeste des 343 ou les nombreuses mobilisations d’associations face à l’urgence climatique sont autant d’exemples de l’utilisation de la désobéissance civile pour permettre des avancées sociétales majeures, constitutives aujourd’hui des valeurs de notre République », rappelle Le Mouvement associatif.
Enfin, au mois de décembre, ce sont les dirigeants de la Maison régionale de l’environnement et des solidarités de Lille qui ont été convoqués par le préfet pour avoir hébergé, dans ses locaux, une réunion durant laquelle une association s’opposant à un projet d’extension d’un aéroport aurait évoqué la désobéissance civile. D’une manière générale, le CER s’inscrit « dans une tendance plus large de renforcement des contrôles et de volonté d’encadrement de l’action associative », pointe Le Mouvement associatif. « Pris pour répondre aux agissements déviants d’une infime minorité d’associations, il vient fragiliser la capacité d’interpellation et de mobilisation citoyenne, constitutive de la loi de 1901 » sur la liberté d’association. En conséquence, il demande au gouvernement de l’abroger et de « retravailler ensemble les contours d’une relation partenariale constructive entre pouvoirs publics et associations ».
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