L'accompagnement de la GUYANASSO (ancienne APROSEP) au sein des territoires éloignés de la Guyane

Les Maisons des Associations, en tant que pôles de ressources, lieux de conseil et de formation, contribuent à soutenir ces dynamiques. Les actions des maisons des associations participent au développement du lien social sur leur territoire d’intervention.

Cet article a été publié dans le cadre dans le cadre du dossier intitulé "Quand les maisons d'association accompagnent les quartiers", à partir d'entretiens avec Juliette BLANC, coordinatrice du dispositif GAIA, et Fanny RIVES, chargée de mission au Parc Amazonien de Guyane (PAG)


Contextualisation :


Parmi les plus grands départements français, la Guyane compte environ 260 000 habitants. Largement concentrée sur le littoral et notamment à Cayenne sa Préfecture, la population est très inégalement répartie sur le territoire. Peu d’habitants occupent le centre du département, largement constitué de forêts tropicales. Ce qui en fait le département le moins densément peuplé de France. Sous l’effet d’un taux de croissance naturelle élevé et d’une forte immigration, la population croît rapidement. De nombreuses communautés coexistent, issues de 80 pays différents. 40% de la population est créole guyanais, mais une multitude de populations et d’ethnies cohabitent : les descendants des Noirs Marrons, appelés les Bushinengués, des ethnies amérindiennes, des H’mongs originaires d’Asie, des antillais, des français de l’hexagone, etc. Cette très forte diversité fait de la Guyane un territoire à la fois riche et complexe.

Enserré entre le Brésil et le Suriname, ce territoire rencontre des difficultés bien spécifiques, liées à son histoire, à sa géographie et à sa culture. Près de 43% de sa population vit actuellement dans l’un des 32 quartiers Politique de la Ville du département. La précarité y est très présente avec plus 60 000 guyanais vivants sous le seuil de pauvreté. De plus, certaines communes se situent en territoires très isolés où l’accès est onéreux et limité et où les services administratifs et de proximités se font rares. Ces difficultés freinent le développement de projets locaux, qu’ils soient portés par des associations ou qu’ils s’agissent d’initiatives citoyennes.


En sites isolés, le faible niveau de qualification des porteurs de projets limite l’émergence d’initiatives sur le territoire de l’intérieur. Les démarches administratives, comme les formulaires de demande de subvention, sont perçus comme trop complexes et les différences de logiques administratives empêchent le recours aux dispositifs mis en place. Dans la gestion des projets, le suivi administratif et financier constitue une réelle difficulté, parfois fatale pour certains projets, comme l’explique Juliette Blanc, coordinatrice du dispositif GAIA (Groupement d’Activités et d’Initiatives en Amazonie) : « pour beaucoup, remplir un formulaire administratif est compliqué. Certains porteurs ont arrêté l’école avant la troisième et ne maîtrisent pas le vocabulaire du montage de projet ».

Le rapport aux cadres administratifs, législatifs et fiscaux semble donc particulièrement contraignant pour les habitants des communes isolées avec des formulaires qui ne sont pas toujours adaptés à leur réalité. « Dans le formulaire de création d’une association, il faut renseigner un numéro de rue. Mais, il n’y en a pas dans les villages amérindiens. (…) quand on n’a pas la logique administrative française, c’est compliqué de réagir à ce genre de situation » raconte Juliette. Ceux-ci ont donc tendance à privilégier des cadres informels qui ne leur permettent pas d’avoir accès aux sources de financements existantes. Ils auront tendance à privilégier une activité partielle ou ponctuelle qui n’incite pas forcément à se déclarer et à entreprendre les démarches administratives de rigueur.

Comme l’indique Fanny Rives, chargée de mission au Parc Amazonien de Guyane (PAG), Gaia répond à plusieurs problématiques spécifiques du territoire guyanais. « La structuration des associations étant très faible dans le sud Guyane en particulier, mais aussi sur le littoral, il est peu aisé pour les associations existantes ou les associations de fait de répondre à des appels à projet ou de faire des demandes de financement. Le manque de formation d’un grand nombre des membres associatifs et l’absence de salarié rend malaisé le suivi administratif et financier des projets. Gaia permet essentiellement d’assurer le lien entre les groupes de personnes à l’initiative de projets sur le territoire et les partenaires financiers. En outre, le dispositif permet d’assurer les achats matériels (les porteurs de projet sont dans des sites isolés avec un accès difficile aux fournisseurs, déplacements en pirogue ou en avion nécessaires) et la rémunération des prestataires ou des intervenants requis dans la plupart des cas. »

Par ailleurs, le fort enclavement du centre du département pénalise ces habitants qui n’accèdent pas facilement au littoral comme l’évoque Juliette : « ici, certaines communes sont très enclavées dans le sens où elles ne sont accessibles que par pirogue, hélicoptère ou certaines, par avion. C’est parfois des trajets de deux à trois jours selon la saison et le niveau de l’eau. Et c’est extrêmement cher ! ».
L‘absence de services de proximité empêche les porteurs de projet d’être autonomes dans leurs démarches. Les services administratifs et bancaires sont tous situés sur le littoral.





Les moyens de communication sont d’autant plus réduits que les réseaux Internet et téléphonique ne sont pas fiables. En effet, il est, par exemple, rarement possible de télécharger une pièce jointe avec un abonnement Internet pour les particuliers à Camopi. « Pour créer une association, il faut une connexion Internet aujourd’hui puisque tout est dématérialisé. Mais sur certaines communes, les connexions sont rares puisqu’elles se font par satellite. C’est donc très cher, il faut compter 150€ pour 20 Go, installer une antenne satellitaire, etc. C’est tout un investissement, ce qui fait que c’est compliqué pour les habitants d’y avoir accès » explique Juliette. Le seul moyen est donc la Poste mais les délais sont longs. Ces constats génèrent une grande désillusion pour les habitants des communes de l’intérieur vis-à-vis des dispositifs d’accompagnement du littoral qui, du fait de cet éloignement, manquent d’efficacité localement.

Travailler avec les populations de l’intérieur demande de savoir s’adapter et de bien comprendre leur mode de vie. Les traditions et coutumes de ces habitants sont parfois très éloignées de celles de la métropole. Et ces différences interculturelles demandent d’adapter les règles et les dispositifs pour respecter la culture locale qui a une grande importance dans l’histoire de la Guyane. Pour cela, il est important d’établir un dialogue permanent avec le grand conseil coutumier. Son rôle est notamment de statuer sur l’adaptation des règles au niveau local comme le décrit Juliette : 

« On travaille avec des publics amérindiens ou noir marrons, des populations du fleuve. Il existe donc dans chaque village une ou plusieurs personnes référentes en terme ‘‘d’adéquation culturelle’’ et de modes de vies, un chef coutumier, un chef de famille…. Par exemple, GAIA gère un chantier d’insertion dans la filière bois au sein d’une commune amérindienne pour lequel les décisions ont été prises avec les référents coutumiers. Un jour un salarié en insertion est devenu père et à ce moment-là on a appris que, lors d’une naissance, un employé n’avait pas le droit de travailler durant un certain temps. Notre but est vraiment de s’adapter à la culture de ces communautés. Donc pour savoir combien de temps il doit s’arrêter ou connaitre précisément quelle tache il ne doit pas effectuer, on s’adresse au chef coutumier ou à une personne référente pour qu’il nous explique quelle est la coutume exacte. En l’occurrence, il n’avait pas le droit de couper des arbres, de planter des clous... Dans un chantier bois c’est compliqué, donc nous nous sommes donc arrangés pour le mettre en congés naissance, puis paternité pour que cela respecte la durée que sa famille lui imposait et être en règle avec le droit du travail. Les référents coutumiers nous aident à adapter les dispositifs de l’Etat aux modes de vie traditionnels dans lesquels évoluent les salariés. Cela demande beaucoup d’écoute, de recherches administratives et d’adaptation» 

L’introduction de la monnaie dans certaines zones qui ne fonctionnent pas de cette manière aboutit à des situations parfois aberrantes. A Trois Sauts par exemple, les personnes sont rémunérées pour leur activité mais il n’existe aucun lieu pour dépenser leurs salaires. Les habitants ne vivent que de la chasse, de la culture et de la pêche, et doivent se déplacer pour acheter les objets dont ils ont besoins au quotidien. Des réflexions seraient à mener pour imaginer des modes de rémunérations plus adaptés.


Le faible niveau de trésorerie des associations les empêche de recourir aux aides auxquelles elles pourraient prétendre. Mais sans capacité d’avancer les fonds nécessaires à la réalisation des projets, elles ne demandent les aides ou ne peuvent pas engager les fonds des subventions qu’elles obtiennent. Ces constats amènent logiquement à une difficulté dans la mise en place des politiques publiques sur le territoire. Ainsi, beaucoup de lignes de crédit sur différents dispositifs ne sont pas dépensés en totalité, voire que très partiellement. « Le problème en Guyane, c’est qu’il y a énormément de moyens de financement des projets mais qu’il n’y a pas de porteurs ! Ce qui fait que sur beaucoup de dispositifs mis en place par l’Union européenne, par l’Etat, par les collectivités territoriales, les enveloppes ne sont pas ou peu dépensées. Et donc d’année en année, les enveloppes se réduisent » rappelle Juliette.


Face à ces problématiques d’organisation et de non-recours aux droits et aux dispositifs existants, l’Aprosep, qui soutient le développement de la vie associative sur le territoire guyanais, a choisi de réagir. Constatant que l’accompagnement ne suffisait pas pour aider l’émergence de projets et d’activités sur les communes de l’intérieur guyanais, la structure a donc décidé de créer GAIA, le Groupement d’Activités et d’Initiatives en Amazonie.

Ce projet innovant s’appuie sur le modèle européen de « l’organisation parapluie » qui vise à mettre en place une structure porteuse de plusieurs initiatives. Les porteurs de projets peuvent donc faire appel au GAIA pour la gestion administrative et financière de leur projet. Ce service, destiné aux porteurs de projet des communes concernées par le Parc Amazonien de Guyane, vise donc à dégager les porteurs de projet de ces aspects de gestion administrative et financière pour leur permettre de se consacrer pleinement au développement du projet comme l’explique Juliette : « il y a plusieurs institutions qui font appel à nous [GAIA] pour porter des projets. Par exemple, le Parc Amazonien de Guyane nous contacte régulièrement pour porter les projets d’associations qui en font la demande mais qui n’ont pas les clés pour les porter seules, soit parce qu’elles n’ont pas de compte en banque, soit parce qu’elles ne sont pas assez structurée… ou parce qu’il n’existe tout simplement pas d’association déclarée. Ainsi, dans les formulaires de demande de subvention c’est l’Aprosep qui fait le projet, qui reçoit les fonds, qui investit dans le matériel, qui paie les intervenants et qui fait acheminer le matériel jusqu’au village. On s’occupe de toute la partie administrative et financière. La mise en place opérationnelle du projet, c’est l’association qui s’en occupe ».

GAIA propose donc la gestion administrative et financière relative au montage d’un projet associatif, la mutualisation et la mise à disposition de moyens humains et matériels, un relais local basé en commune afin de limiter l’enclavement entre les porteurs de projets et les structures administratives et financières basées à Cayenne et une avance de trésorerie pour couvrir les besoins en fond de roulement d’un projet en démarrage d’activités. GAIA cherche ainsi à répondre à un double objectif. D’une part, il s’agit de permettre l’accès aux dispositifs de soutien pour les porteurs de projets. Face aux difficultés rencontrées sur le territoire, il est nécessaire de créer des conditions d’équité pour permettre le recours aux dispositifs. Et c’est une attente forte des partenaires qui souhaitent voir ces dispositifs produire leurs effets sur le territoire et ses habitants. Et d’autre part, le but est de libérer les énergies créatives des habitants de ces communes. Sans les freins administratifs et financiers, les habitants créent plus facilement de nouvelles dynamiques associatives et inter-associatives et sont moins effrayés par l’ampleur des documents à produire.

Et le dispositif s’inscrit dans une véritable complémentarité avec l’action de ses partenaires, comme celle du PAG que décrit Fanny Rives :  « Le PAG est amené à accompagner des associations ou des collectifs d’habitants pour monter et mettre en œuvre des projets sur différents sujets (culture, artisanat, EEDD etc.). Les actions de l’établissement dans ce domaine sont souvent limitées par l’absence de structure porteuse des projets (collectifs non structurés en association) ou la faible capacité de gestion administrative et financière des structures existantes. Ainsi, le dispositif permet à des associations peu structurées ou des collectifs non structurés en association d’accéder à des aides financières pour mener à bien leurs projets. En miroir, il permet au PAG de soutenir des initiatives en lien avec ses missions. De manière plus générale, « décharger » les associations ou collectifs de la gestion administrative et financière des projets leur permet de se concentrer sur l’animation et la mise en œuvre opérationnelle de leurs projets. Cela permet un accompagnement pas à pas des associations ou collectifs pour les renforcer dans un premier temps sur l’animation de projets et dans un second temps sur les démarches administratives et financières. »

Ce service ne s’adresse pas qu’aux associations, les particuliers et les collectivités peuvent également solliciter GAIA. L’Aprosep souhaite pouvoir répondre aux différents besoins que rencontrent les communes isolées, qu’ils viennent des habitants ou de l’institution. Il peut s’agir d’appuyer un habitant qui souhaite organiser une manifestation de quelques jours, ou de répondre à la demande d’une collectivité pour installer un service sur le territoire.

« Récemment, la Préfecture, la commune de Camopi et le PAG ont fait appel à l’Aprosep car le Ministère de l’Outre-mer avait la volonté de monter un chantier d’insertion dans la filière bois à Camopi. Ils ne trouvaient pas d’association locale pour le porter, et nous ont demandé de le faire, ce qui était parfaitement en accord avec notre volonté de faciliter la mise en place de projets associatifs sur les communes de l’intérieur » explique Juliette.

L’Aprosep a commencé par développer ce projet sur la commune de Camopi, en incluant le village de Trois Sauts, puis ils travaillent désormais au développement des dispositifs d’insertion sur la commune de Maripasoula. Concrètement, un salarié est posté à Camopi pour réceptionner les demandes des porteurs de projet. En coordination avec Juliette, basée à Cayenne, il appuie le porteur pour structurer son projet et voir sur quels aspects GAIA pourra intervenir. En fonction des besoins, GAIA organise les démarches depuis le littoral : demande de subvention, achat de matériel, suivi des factures, etc. Et GAIA s’assure que le projet soit bien mis en place sur le territoire puis fait les bilans et les demandes de soldes.

Le soutien à un festival de danse et de chants traditionnels

Juliette présente un cas concret actuellement soutenu par GAIA:  ‘Récemment, l’ARS [Agence Régionale de Santé] et le groupe SOS jeunesse ont lancé un appel à projet dont le but est d’améliorer le Bien-Etre des populations de l’intérieur de Guyane pour renforcer les facteurs protecteurs et éviter les risques de suicides. Au même moment, nous avons été contactés par des porteurs de projet de Camopi qui souhaitaient organiser un festival de danse, de chants traditionnels et un tournoi de sports. Ces porteurs n’avaient pas encore d’attestation INSEE pour le numéro de SIRET, ni de compte en banque, ni de trésorerie. Nous avons donc porté le projet pour eux. J’ai fait tout le nécessaire pour la demande de subvention auprès du groupe SOS et j’ai acheté tout le matériel. Je leur ai amené à mi-chemin où ils sont venus le chercher en pirogue. De leur côté, ils se sont occupés de toute la logistique sur place, de la communication, la gestion des bénévoles etc. Notre chargé de développement local a reçu comme consigne de compter les participants et de prendre des témoignages pour que nous puissions faire un bilan de la manifestation. Ensuite, je l’ai transmis à SOS Jeunesse afin de recevoir les fonds en fonction de l’avance de trésorerie que l’on a faite. (…) Le but, c’est que la prochaine fois, l’association fasse une étape en plus. Par exemple, qu’ils remplissent leur demande de subvention eux-mêmes. Et la fois d’après, qu’ils assurent la demande de subvention et l’avance de trésorerie. On essaie d’y aller petit à petit avec les porteurs de projet pour qu’ils ne se démotivent pas dès le début avec toutes les barrières qu’il y a au niveau administratif, financier et d’enclavement.’’
Aujourd’hui, l’Aprosep porte des projets dans divers champs d’activité. Le projet le plus important est sans conteste l’Atelier Chantier d’Insertion KA’A Construction, le chantier d’insertion dans la filière bois. De la reconnaissance des essences, à l’abattage, au sciage et à la construction, c’est une véritable filière qui a été organisée. Elle mobilise 16 salariés en insertion (photo) répartis dans deux équipes l’une à Camopi et l’autre à Trois Sauts. Ils sont accompagnés par deux encadrants techniques, un coordinateur technique et un accompagnateur socio-professionnel. GAIA assure le suivi administratif et l’ensemble des fonctions supports.


Toujours dans l’activité productive, GAIA a également accompagné une association d’agriculteurs dans l’achat d’un broyeur mutualisé. D’autres projets concernent plutôt la culture amérindienne comme le festival présenté ci-dessus qui a vocation à se développer et être reproduit chaque année. Des ateliers de transmissions des savoirs et des savoir-faire amérindiens (photo) sont également soutenus pour que les enfants puissent apprendre les secrets de l’artisanat amérindien comme la vannerie, la perlerie, le tissage… GAIA a également appuyé des ateliers d’écriture et d’enregistrement de musique et de clips sur les problématiques amérindiennes, le sentiment de délaissement, les suicides, etc.

Un travail de coopération et de réseau

Vu l’ampleur du projet, GAIA a demandé de se coordonner aussi bien en interne de l’Aprosep qu’avec un ensemble très divers de partenaires. Le dispositif est, d’abord, en articulation avec les autres
services de la structure comme l’explique Juliette : « Le service d’appui à la vie associative (SAVA) de l’Aprosep intervient également avec nous [GAIA] sur les communes de l’intérieur. Pour les associations qui sont déjà créées, le SAVA intervient, soit directement, soit à la suite d’un portage GAIA dans un but d’autonomisation de l’association ».




De la même manière, le groupement d’employeurs, aujourd’hui détaché mais qui a longtemps été un service de l’Aprosep, met à disposition du personnel dans le cadre de GAIA. Le service formations, OFA Guyane aussi un ancien service de l’Aprosep, aide la montée en compétences de certains porteurs de projet des communes de l’intérieur. Il s’efforce notamment d’organiser les formations sur place, et non à Cayenne ou à Kourou comme cela est régulièrement le cas. Ce qui facilite l’accès aux formations pour les habitants, et permet aux formateurs de s’immerger dans les réalités et le quotidien de ces territoires.Les deux postes dédiés au projet, à Camopi et à Cayenne, sont financés via le fonds LEADER qui soutient le développement d’activités en milieu rural. Ce fonds, à l’instar des financements européens dans leur ensemble, est largement sous-consommé en Guyane. Au-delà de ces deux postes, le projet mobilise toute l’équipe qu’il s’agisse de l’accueil pour la réception des courriers, le secrétariat pour le suivi administratif, la comptabilité pour les paies ou les virements, etc. Ces frais supplémentaires sont inclus aux demandes de subventions, ce qui représente généralement 10 à 15% de la demande. Ces frais ne viennent pas au détriment de la dotation demandée par le porteur de projet mais s’ajoute dans la demande qui est faite. Si ce fonctionnement est très confortable pour les porteurs de projet, il peut s’avérer délicat à porter pour l’Aprosep qui doit parfois faire une avance importante de trésorerie. Malgré des fonds propres importants, la structure doit en permanence gérer ce risque de manque de trésorerie, notamment avec la lenteur des versements des aides européennes.

GAIA est aussi une manière de mettre en réseau et de créer des coopérations durables entre acteurs de l’ESS et partenaires publics sur les territoires concernés par le Parc Amazonien de Guyane. L’idée est de travailler en collaboration sur l’adaptation des modalités de l’accompagnement de ces populations. Il s’agit de transmettre aux structures locales un savoir-faire à même d’accompagner la pérennisation des activités locales développées. Trois fois par an, un comité de pilotage GAIA est organisé qui regroupe l’ensemble des partenaires du projet. De nombreuses structures sont présentes autour de la table, aux côtés de l’Aprosep, il y a le PAG, ANCRAGE Guyane, la Mairie de Camopi, la DJSCS, ADER, la Préfecture, la CTG et la DIRECCTE. Et en fonction des projets, différentes directions déconcentrées ou partenaires peuvent aussi être consultés.


Le PAG a été un partenaire privilégié depuis l’origine du projet comme l’explique Fanny Rives : 
« Le PAG a contribué à la préfiguration du dispositif Gaia. Dans un premier temps, le PAG a sollicité l’Aprosep pour assurer le portage administratif et financier de projets portés par des collectifs d’habitants non structurés en association à Trois Sauts (site très isolé de l’Oyapock). Ces premières expériences ont permis de montrer la pertinence d’un tel dispositif sur les communes du sud. Le PAG a ensuite appuyé la mise en place du dispositif (contribution à la conception, mobilisation des partenaires). A ce jour, le PAG est partenaire du dispositif (appui logistique, sollicitation pour des associations accompagnées par le PAG) et lui-même bénéficiaire du dispositif. En effet, le dispositif porte également un Atelier Chantier d’Insertion qui a été initié par le PAG et ses partenaires et que le PAG n’était pas en mesure de porter en direct. »

Le GAIA a une vision très large des projets qui émergent sur l’intérieur guyanais, et une bonne connaissance des différents partenaires qui peuvent contribuer à la réussite des projets. Il permet ainsi d’accélérer la mise en œuvre des projets et de maintenir la motivation des porteurs de projet. Le groupement est désormais le guichet unique auquel les associations peuvent s’adresser pour trouver une réponse quel que soit le type de questionnement. Néanmoins, GAIA n’est pas spécialisé dans la création d’entreprises et rencontre parfois des difficultés à accompagner certaines demandes. Sa faible expertise sur les statuts juridiques lucratifs limite sa capacité à suivre des projets entrepreneuriaux. Des réflexions sont en cours sur cette dimension, soit par de la formation du personnel de l’Aprosep, soit via des partenariats avec des structures plus spécialisées qui pourraient intervenir en complémentarité de l’action de GAIA. Et il est important de pouvoir développer ces aspects d’entrepreneuriats pour éviter que ces activités se développent de manière illégale.

GAIA est donc un outil puissant pour limiter l’enclavement de certaines parties du territoire guyanais et encourager la création d’activités dans ces zones reculées. En s’adaptant aux réalités du territoire et de ses habitants, il permet le développement de dynamiques qui ne pourraient pas, ou difficilement émerger sans son soutien. Mais comme le souligne Fanny Rives, « de nombreux projets émergent sur le territoire, d’autant que leur mise en œuvre est grandement facilitée par le dispositif. Le nombre de dossiers atteint parfois la limite des possibilités des ressources humaines du dispositif. Compte tenu de
l’étendue géographique de la Guyane, la représentation de Gaia dans un plus grand nombre de communes, au plus près des porteurs de projet, serait un atout considérable. »
Espérons donc que le dispositif gagne une reconnaissance plus large pour permettre d’étendre son déploiement.

Catégories
Accompagnement

Typologies
Cas pratiques & témoignages

Maisons
Guyanasso - Structure d'appui à la vie associative (SAVA) de Guyane


Date de publication
28/09/2018

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